Le président de l’AMBM, M. Ivan Normandeau, a prononcé le discours suivant auprès du Comité permanent du Développement social et économique de l’Assemblée législative du Manitoba chargé d’étudier le projet de loi 37 modifiant la Loi sur l’aménagement du territoire et la Charte de la Ville de Winnipeg, le 19 avril 2021 :

Mesdames et messieurs les membres du comité permanent,

Tout d’abord, au nom du conseil d’administration de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba, l’AMBM, je vous remercie de m’accueillir pour vous présenter le point de vue du leadership municipal bilingue envers le projet de loi 37 de la Province du Manitoba.

Depuis les années 1980, l’AMBM est la voix du leadership municipal bilingue dans la province du Manitoba. Notre association représente 15 gouvernements de proximité engagés à offrir des services dans les deux langues officielles à leur population.

C’est comme ça que la Ville de Winnipeg et nos 14 autres membres en milieu rural contribuent activement au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) de la province.

L’AMBM est également propriétaire de deux filiales.

D’abord, le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), qui est au service du développement économique et de l’entrepreneurship depuis 1996.

Puis Éco-Ouest Canada qui appuie les petites et moyennes municipalités dans la mise en place de stratégies en économie verte.

Tel que communiqué dans ma lettre du 4 juin 2020 à la ministre des Relations avec les municipalités (à l’époque Madame Rochelle Squires), l’AMBM appuie les efforts de représentation menés par l’Association of Manitoba Municipalities (AMM) et la Ville de Winnipeg à l’égard de ce projet de loi destiné à modifier la Loi sur l’aménagement du territoire et la Charte de la Ville de Winnipeg.

Aujourd’hui, mes commentaires porteront spécifiquement sur le texte actuel du projet de loi 37 et auront comme objectif d’obtenir plus de clarté sur certains points de ce même projet de loi.

L’aménagement du territoire, c’est le fruit du travail combiné des gouvernements, en particulier le provincial et les municipalités. Deux ordres de gouvernement complémentaires qui jouent des rôles différents dans un processus complexe, en partenariat avec le secteur privé qui innove, qui prend des risques et qui génère de l’activité économique sur le territoire.

L’AMBM a plusieurs préoccupations face à ce projet de loi.

Tout comme vous, j’en suis certain, nos membres sont d’accord que le développement du territoire doit se faire de façon efficace, efficiente et cohérente. Mais nous croyons que la mise en place d’une telle loi ferait augmenter la bureaucratie et donc les coûts financiers et administratifs en conséquence.

Avec la pandémie de la COVID-19, plus que jamais, les projets du secteur privé et communautaire seront clés pour relancer notre économie. Mais il faut être capable de garantir à nos collectivités que ces initiatives s’appuient sur des processus transparents et démocratiques.

Le gouvernement propose que les appels de décisions soient entendus devant la Commission municipale.

L’AMBM et l’AMM proposent plutôt que les différends soient réglés au niveau local/municipal pour trouver efficacement des solutions et arriver à certains accords (exemple : entre promoteurs et municipalités). C’est le principe même de la subsidiarité en action.

Nous croyons que le mécanisme d’appel, tel que proposé par le gouvernement, aura de grandes implications.

D’abord, il risque de discréditer la raison d’être de nos gouvernements locaux. Aussi, il est contraire au principe d’autodétermination de nos collectivités qui ont le droit d’agir sur leur propre développement économique, social et culturel.

Après tout, les gouvernements de proximité sont les mieux placés pour trouver des solutions mutuellement gagnantes et jouer pleinement leur rôle subsidiaire.

De plus, nous questionnons les ressources de la Commission municipale et sa connaissance des enjeux locaux dans nos municipalités.

Nous craignons l’accumulation des délais dans le traitement des appels.

Au Manitoba, il faut 120 jours pour entendre un appel et 60 jours pour obtenir une décision. Total : 210 jours (y compris une période plus longue pour déposer un appel de décision). En Alberta, on parle de 75 jours. En Nouvelle-Écosse, c’est 51 jours.

Le modèle proposé par la province prévoit 30 jours pour déposer un appel de décision. C’est le double du temps prévu par d’autres provinces canadiennes. On pourrait facilement se sentir impuissant devant une telle bureaucratie centralisée.

Je suis confiant que la Province ne souhaite pas réduire l’accès de notre population à se faire entendre et à participer activement à l’avenir de leur collectivité.

Dans le présent dossier, nous voulons aussi assurer à notre francophonie et à nos Métis francophones qu’ils pourront contribuer pleinement à la vie communautaire et économique. Qu’ils pourront faire entendre leur voix facilement et efficacement dans la mise en place d’infrastructures répondant à leurs besoins et enjeux.

Nous sommes aussi préoccupés par le fait que le modèle proposé par le gouvernement ne prévoit aucun mécanisme de médiation, que son manque de clarté entraîne des demandes d’appel frivoles et que l’absence de limites concernant l’ampleur des appels ouvre la porte aux abus.

En terminant, tout comme l’Association of Manitoba Municipalities (AMM), nous recommandons que le gouvernement du Manitoba s’inspire davantage des pratiques en vigueur dans les autres provinces et qu’il précise la portée et les paramètres des appels dans la législation plutôt que dans la réglementation.

En bref, à l’instar de l’AMM, l’AMBM vous recommande d’apporter les amendements suivants au projet de loi 37 du gouvernement du Manitoba :

  1. Exiger que toute personne déposant un appel indique la cause de l’appel dans le formulaire de dépôt.
  2. Limiter les motifs d’appel admissibles, pour agir en cohérence avec les lois des autres provinces.
  3. Limiter les appels à ceux qui sont déjà engagés dans le processus, comme c’est le cas en Ontario.
  4. Limiter l’envergure des décisions d’appel rendues par la Commission municipale afin que celle-ci ne puisse pas « devenir un nouveau palier de gouvernement » en rédigeant de nouveaux règlements ou en imposant de nouveaux coûts.
  5. Réduire les délais d’appel en s’inspirant des normes en vigueur dans les autres provinces.
  6. Imposer des mesures de responsabilisation à la Commission municipale dans le cas où des retards entourant l’audition ou la clôture des appels entraîneraient d’importants délais.

Et je me permets d’ajouter une septième recommandation.

Que la Province, dans la mise en œuvre du projet de loi 37, et en partenariat avec les municipalités, s’engagent à travailler en collaboration avec l’AMBM et les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) en matière d’aménagement régional du territoire, sur des objectifs et des intérêts communs, pour assurer leur développement (économique et communautaire) continu.

En terminant, je tiens à souligner que le gouvernement provincial est pour nous un partenaire incontournable.

Le gouvernement Pallister est réputé pour être pragmatique et adopter une approche basée sur le « gros bon sens ».

Pour toutes ces raisons, je suis assuré que vous recevrez avec grande considération les recommandations émises par l’AMBM et par notre grande alliée, l’AMM.

En vous souhaitant de fructueuses délibérations, je vous remercie pour votre attention.

Renseignements : Justin Johnson, chef de la direction, 204-289-4077, [email protected].

Allocution du président de l’AMBM concernant le projet de loi 37 modifiant la Loi sur l’aménagement du territoire et la Charte de la Ville de Winnipeg